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The K Newsletter : Les Kraemer, Jayne Wrightsman, le MET : une inspirante histoire de transmission.

1875 - 2025
La galerie Kraemer
fête ses 150 ans !

 

Des oeuvres et des personnalités à travers les époques

 

Bien souvent le visiteur qui pousse la porte de la Galerie Kraemer en ressort avec la même passion partagée.

Le monde a changé en 150 ans d’existence, le temps s’est accéléré, mais l’essentiel demeure : le coup de cœur.

Jayne Wrightsman, le MET et les Kraemer : Une inspirante histoire de transmission.

Jayne Wrightsman devant son bureau.
Photo Horst P. Horst. ©Vogue

Jayne Wrightsman (1919–2019) était une philanthrope et collectionneuse d’art américaine, figure emblématique de la haute société new-yorkaise.


Grande mécène américaine et passionnée d’art décoratif français, elle a marqué l’histoire du Metropolitan Museum of Art par ses dons remarquables.

The Metropolitan Museum of Art, New-York.

L'exemple du bureau de
Joseph Baumhauer et de son cartonnier

Jayne Wrightsman a contribué
au parcours exceptionnel de ce bureau
et de son cartonnier,
réalisés par Joseph Baumhauer,
qu’elle acquit à la Galerie Kraemer.

Le bureau en forme de courbe réalisé par Joseph Baumhauer vers 1770 et acquis par Jayne Wrightsman auprès de la Galerie Kraemer.

Ce bureau aux lignes arrondies, ouvrant à trois tiroirs sur la face, accompagné de son cartonnier, réalisé vers 1770 par l’ébéniste du roi Louis XV Joseph Baumhauer, a été acquis par Mme Wrightsman auprès de la Galerie Kraemer.

Elle l'utilisa personnellement avant de l’offrir au Metropolitan Museum of Art de New York (MET).

Particulièrement élaboré, le bureau est non seulement de forme courbe devant et derrière, mais aussi sur les côtés.

Généralement, les cartonniers étaient placés à un bout du bureau, et non pas au milieu comme celui-ci. 

L’utilité principale d’un cartonnier, outre son aspect esthétique, est de classer et organiser les papiers, lettres et documents importants.
Il sert donc encore de nos jours de système de rangement fonctionnel pour accompagner un bureau.

Le bureau et son cartonnier au MET :
chef-d’œuvre de marqueterie florale, il se distingue par sa forme courbe, particulièrement rare pour un bureau de travail, et par la qualité exceptionnelle de ses bronzes ciselés et dorés.

Un bureau et un cartonnier séparés
puis réunis au fil du temps


Contrairement aux tableaux, Il est rare de pouvoir reconstituer l’histoire d’un mobilier.

 

L’ensemble a appartenu à Lord Balfour.
Arthur James Balfour, comte de Balfour, fut Premier ministre du Royaume-Uni et chef du Parti conservateur. 

Très respecté, il est également célèbre pour son action en tant que ministre des Affaires étrangères pendant la Première Guerre mondiale.

 

Puis, entre les deux guerres, les deux meubles sont acquis par la Galerie Kraemer. 

 

Ils sont notamment présentés lors de l’exposition internationale d’Amsterdam en 1936.

Le bureau et son cartonnier à l'exposition d'Amsterdam en 1936.

Durant la seconde guerre mondiale, alors que la famille Kraemer est contrainte de fuir, le bureau et le cartonnier trouvent miraculeusement refuge au Musée des Arts Décoratifs, alors que la totalité du stock de la galerie, lui, est pillé par les nazis le 4 septembre 1942.

Le 4 septembre 1942, l'Hôtel particulier des Kraemer était pillé par les nazis.
Ici, on aperçoit une caisse marquée "KRA" dans la cour carrée du Musée du Louvre.

Après la guerre, la famille en grande partie rescapée récupère le bureau et son cartonnier qui reviennent à la Galerie et sont exposés de nouveau aux visiteurs et aux clients rue de Monceau.
 

Ils sont remarqués par de nombreux amateurs d’art.
Notamment un décorateur qui est venu un jour à la recherche précisément d’un “bureau cintré”. 

Nous pensions qu’un précédent visiteur lui avait parlé de celui-ci, et nous lui avons donc montré.
Mais finalement, il ne l’a pas trouvé suffisamment cintré !

En fait, nous n’en connaissons pas d’autres de forme courbe comme celui-ci.

Philippe Kraemer

Philippe Kraemer, Rue de Monceau, dans les années 1960.

Philippe Kraemer
et Jayne Wrightsman…

Ce bureau, avec son cartonnier, a finalement été acquis par un amateur.
Ensuite il est de nouveau racheté par notre Galerie dans les années 1960.

C’est à ce moment-là qu’il suscite l'intérêt de Jayne Wrightsman, une femme charmante, une grande mécène qui fut une grande mécène du Métropolitain Museum of Art de New York.
 
Mrs Wrightsman passe un jour à la maison comme elle le faisait pratiquement à chacune de ses visites à Paris.
Immédiatement elle remarque ce superbe bureau cintré, ce qui est absolument inhabituel.
Le bureau possédait son cartonnier, lui aussi légèrement cintré, ouvrant à deux vantaux grillagés, avec une doucine dans le haut et reposant sur quatre petits pieds. Il était posé sur le plateau en cuir du bureau.

Un ensemble rarissime.
 
En réfléchissant, elle imagine l’endroit où elle pourrait le placer chez elle à New York, à Londres ou à Palm Beach, mais nous dit qu’il y avait une collection d'oiseaux  en porcelaine sur des consoles d'applique en bois doré, accrochées au mur juste au-dessus de là où elle le destinait.
 
Elle demande à Philippe : « est-il possible d’acheter le bureau seul, sans le cartonnier ? ».
Philippe lui répondit que, pour elle, bien entendu, ce serait possible.
On ne peut rien refuser à Jayne...

Jayne Wrightsman dans sa bibliothèque.
Photo Horst P. Horst. ©Vogue.

Parmi les très nombreux objets d’art du Métropolitain Museum Of Art de New York, provenant de la Galerie Kraemer.

Quelques années plus tard, lorsque Jayne décide d’offrir le bureau au MET, elle demande si par hasard, la galerie Kraemer possédait encore ce fameux cartonnier.
 
Nous lui avons répondu que, bien évidemment, nous l’avions précieusement conservé dans une réserve sans le lui dire et sans avoir eu la volonté de le vendre un instant à quelqu’un d’autre.
Philippe indiqua surtout à Jayne que nous avions prévu de l’offrir un jour, nous-mêmes, au Metropolitan Museum of Art de New York, puisqu’on imaginait que le bureau se retrouverait un jour dans ce beau musée.
 
Jayne Wrightsman nous a indiqué qu’elle souhaitait malgré tout l’offrir elle-même au musée, et nous a chaleureusement remerciés parce que la galerie le lui à alors cédé pour un prix symbolique !
 
Et c’est ainsi que ces deux pièces d’exception, créées par Joseph Baumhauer, séparées pendant de nombreuses années, se sont retrouvées à nouveau réunies dans l’une des salles principales du Metropolitan, Museum of New-York, en compagnie d’un très beau fauteuil de bureau en bois peint qui vient lui aussi de la Galerie Kraemer.

Le bureau et son cartonnier au MET.

Jayne Wrightsman et les collectionneurs d'aujourd'hui

Jayne Wrightsman, élégante et raffinée

Jayne Wrightsman dans les années 1960.
Photo Cecile Beaton / Vogue @ Condé nast.

Jayne Wrightsman, élégante et raffinée, venait régulièrement nous rendre visite à chacun de ses passages à Paris, toujours avec beaucoup de gentillesse, pour agrandir sa collection.
 

Elle acheta même un appartement à Londres, au-dessus du sien, principalement pour ne pas être bridée par la place et donc pouvoir acquérir encore plus d’objets d’art.
 
Avec son époux Charles B. Wrightsman, “Jayne” a été l’une des plus généreuses donatrices du Metropolitan Museum de New York.
 

Cette passion pour l’art a embelli sa vie.

Née dans le Michigan, elle grandit à Los Angeles et devient, après son mariage à l’âge de 24 ans, avec l’industriel du pétrole Charles Wrightsman, une grande collectionneuse des arts décoratifs européens de l’Ancien Régime.
 
Grâce à leur passion pour l’art décoratif du 18e siècle et leur collection, ainsi que leur mécénat, leur nom restera connu pour la postérité.

Jayne Wrightsman, élégante et raffinée

Jayne Wrightsman dans les années 1960.
Photo Cecile Beaton / Vogue @ Condé nast.

Aujourd’hui encore, des personnalités actuelles perpétuent l’esprit de Jayne.
Des collectionneurs achètent pour eux-mêmes et leur famille, puis offrent ensuite des œuvres majeures aux musées, faisant ainsi vivre l’héritage français à travers le monde.

L’histoire du bureau de Joseph Baumhauer acheté par Jayne Wrightsman est plus qu’une anecdote sur un meuble ancien : c’est une parabole moderne sur la valeur du partage culturel.

 

En revisitant ce récit, on réalise que chaque œuvre d’art a le pouvoir de rapprocher les époques et les horizons, pour peu que des passionnés s’en fassent les passeurs. 

Hier, un antiquaire parisien et une collectionneuse américaine ont sauvé et magnifié un trésor du passé en le portant à la connaissance du monde.


Aujourd’hui, cet élan se poursuit en france et dans le monde, que ce soit par un simple don, par le biais d’un mécène offrant une nouvelle salle à un musée, d’une entreprise finançant la restauration d’un monument, ou d’un partenariat international permettant à un chef-d’œuvre de voyager vers de nouveaux publics.

 

Dans la lignée de Mrs Wrightsman, les grands collectionneurs d'aujourd'hui sont des personnalités comme, parmi bien d'autres, M. et Mme Bernard Arnault (Fondation Vuitton), M. et Mme François Pinault (La Bourse de Commerce), la famille Houzé (Lafayette Anticipations), la Fondation Cartier ou la Fondation Emerige (Laurent Dumas).
Mais aussi dans le monde avec les familles Lauder, Rales (Glenstone), Broad, Schwarzman, Brant, Guggenheim, Niarchos, Onassis,  Ambani ou M. Kenneth Griffin, pour ne citer qu'eux.

 
Grâce à ces passionnés d’art, un grand nombre de collections sont en train de se constituer!
Nous respectons la discrétion de certains qui ne souhaitent pas être médiatisés, mais qui peut-être un jour, offriront leurs collections ou créeront un musée ou une fondation.