DANS LES MUSÉES
Meuble à deux portes – Époque Louis XVI (1772)
Meuble à deux vantaux en placage d’ébène et panneaux de laque Japonais orné de bronzes ciselés et dorés.
Estampille de Joseph Baumhauer (1772), Plateau en japse jaune, pierre semi-précieuse.
Provenance : galerie Kraemer
J. Paul Getty Museum, Los Angeles
En savoir plus : L’ingénieux meuble à deux portes de Baumhauer
L’ingénieux meuble à deux portes de Baumhauer
Joseph Baumhauer, plus connu sous le simple nom de Joseph, conçoit des meubles raffinés ornés de laques et de bronzes dorés.
Un don dans la maîtrise des décors de bronze, de marqueteries et de dorures
D’origine allemande, Baumhauer arrive à Paris au milieu du XVIIIe siècle et épouse Reine Chicot, fille d’un ébéniste en 1745. Il travaille alors au sein de l’atelier de François Reizell avant de se voir attribuer un brevet privilégié du Roi en 1767, tout comme Jean-Pierre Latz avant lui.
Ce dernier lui offre des avantages similaires à ceux de la maîtrise. Il ouvre alors son propre atelier rue du Faubourg Saint-Antoine, quartier névralgique des menuisiers ébénistes : il le nomme « A la boule d’or ». Il se forge petit à petit une réputation et sera désormais dénommé simplement « Joseph », son nom de famille aux sonorités allemandes étant trop complexe à prononcer pour ses contemporains français. Il collabore avec les marchands merciers parisiens tels Simon-Philippe Poirier et Lazare Duvaux. Il conçoit des meubles de la fin du règne de Louis XV et tout au long de celui de Louis XVI en adoptant un style néoclassique.
Il estampille de son prénom encadré de deux fleurs de lys. Joseph intègre dans ses réalisations des matériaux précieux tels que la pierre dure, les porcelaines de Sèvres et les panneaux de laque comme ce meuble à deux portes qui est lui, plaqué de laques du Japon. Il tempère la richesse de son ornementation par la simplicité et la rigueur des lignes, légèrement courbes ou totalement droites.
La sobriété des formes lui permet de développer les décors de bronze, de marqueterie et de placage de divers matériaux. Il peut alors compter sur les marchands merciers pour lui fournir des matériaux rares. La qualité de sa production révèle la qualité de sa clientèle, qui venait autant de France que de Russie et d’Autriche. La taille de son atelier traduit la bonne santé de son activité, mais à sa mort, peu de meubles ont été inventoriés. Baumhauer travaillait alors principalement en fonction des commandes qu’il recevait des marchands merciers. Baumhauer décède prématurément en 1772 obligeant son fils Gaspard Joseph à prendre sa suite. Ce dernier établit le nouvel atelier rue de la Roquette. Il conserve l’estampille de son père, ce qui complexifie l’attribution de certains meubles de l’époque Louis XVI.
La laque japonaise, raffinement extrême du XVIIIe siècle
L’utilisation de laques venues d’Extrême-Orient est une initiative des célèbres marchands merciers du XVIIIe siècle. Créateurs des tendances et du luxe à cette époque, ils fournissaient en meubles toute la haute société. Ils détenaient le monopole d’importation des objets en laque et en porcelaine. Thomas Joachim Hébert est l’un des marchands merciers les plus importants dans l’importation des laques, il travaille avec des ébénistes tels que Carlin et Criaerd afin de proposer des objets de prestige aux membres de la famille royale et à la cour.
La laque du japon est l’une des plus rares, des plus précieuses et des plus complexes au niveau de sa technique. Au XVIIIe siècle, elle était uniquement importée pour être intégrée sur des meubles à la destination royale car son importation était très complexe. Dans les années 1690, le Japon réduit drastiquement ses échanges avec l’extérieur et seule la Hollande continue de bénéficier d’un droit d’importation : la Hollande exerce un monopole. Depuis les provinces unies, les laques sont ensuite acheminées à Paris. Une fois dans la capitale, les marchands merciers les vendaient à des ébénistes de renom pour les intégrer sur leurs meubles les plus élaborés.
Ce rare meuble ouvre par deux vantaux frontaux qui dévoilent quatre tiroirs. De forme rectangulaire à pans coupés, il est plaqué d’ébène et panneaux de laque du Japon sur sa face et ses côtés. Il s’agit de laque Japonais Kijimaki-e, une technique développée au XVIIe siècle. Le bois utilisé directement en tant que fond, est poncé afin de faire ressortir son grain dans le but d’ajouter par la suite des éléments décoratifs : ici, des paysages, des plantes, et des animaux.
Un meuble à deux portes qui réunit toutes les compétences de l’ébéniste
Les panneaux de laques fabriqués à l’aide de cette technique sont extrêmement rares dans le mobilier français. Ils sont ici bordés de baguettes de cuivre. Les pans coupés sont ornés de doubles pilastres cannelés ornés de chapiteaux ioniques, séparés par un ruban retenant des couronnes de feuilles de laurier. Il présente une riche ornementation de bronzes dorés ciselés et dorés tels que la lingotière cerclant le marbre, la frise de postes en ceinture, les chapiteaux et les écussons. Le tout est surmonté d’un plateau de jaspe jaune, une pierre semi-précieuse rarement utilisée en remplacement du marbre habituel. Le meuble repose sur une base à plinthes.